Récits inspirants, « encapacitants », contre-récits… Ces nouvelles expressions de la communication responsable peuvent sembler bien abstraites, éloignées des enjeux com/RSE des entreprises comme des enjeux écologiques et sociaux, bien présents, bien concrets. Et pourtant. Les nouveaux récits s’imposent désormais comme un puissant levier pour bâtir un monde plus sobre, plus juste, plus durable, et permettre aux entreprises de jouer leur rôle. Pourquoi est-il important de faire exister de tels récits ? Pourquoi est-il essentiel que les marques et entreprises s’en emparent ? Et comment faire pour les bâtir ? Éléments de réponses.
Sommaire
- Réenchanter le monde par l’imaginaire
- Nouveaux récits : quels sont leurs pouvoirs ?
- Pub, com’, brand content : le rôle crucial des marques et des entreprises
- Premières pistes pour bâtir un récit « encapacitant »
- Communicants, à nous de jouer !
- Quelques ressources…
Réenchanter le monde par l’imaginaire
« Et si… on libérait notre imagination pour créer le futur que nous voulons ? » Le titre du livre de l’activiste écologique Rob Hopkins résume à lui seul le rôle que peuvent jouer les nouveaux récits si les différents acteurs sociaux, économiques et culturels s’en emparent à bon escient.
Partons du pouvoir de l’imaginaire et du rêve : comme l’explique Jules Colé dans son passionnant mémoire de master « Comment faire évoluer nos imaginaires pour changer nos relations au monde vivant et aller vers un monde soutenable et harmonieux ? » (2022), l’imaginaire collectif reflète et surtout conditionne nos manières d’être au monde. D’abord fictif, il peut devenir réel. Aujourd’hui, l’imaginaire dominant met en péril le vivant et l’habitabilité de la planète. Face à l’un des plus grands défis de notre histoire, il est plus que nécessaire de passer d’un récit de la surconsommation à un récit de la consommation responsable, voire un contre-récit :
Un contre-récit doit émerger :
Ademe, site de la communication responsable
celui de la sobriété désirable et de la résilience solidaire.
Nouveaux récits : quels sont leurs pouvoirs ?
L’enjeu consiste à réinventer de nouveaux imaginaires pour construire ensemble une nouvelle histoire. Des imaginaires suffisamment mobilisateurs, capables de donner envie d’agir pour relever les défis écologiques et sociaux. Des imaginaires à la puissance positive, capables de réenchanter le monde, de susciter l’émerveillement. Des imaginaires sensibles, aussi, pour contrer l’imaginaire compétitif et expansionniste de notre modernité.
Bien construits, bien amenés, les nouveaux récits possèdent la capacité à augmenter notre puissance d’agir afin de permettre le changement d’échelle dont nous avons besoin. Et les ressorts sont nombreux (liste non exhaustive) :
- Renouveler nos représentations et changer notre rapport au vivant.
- Rendre désirables (et visibles) les comportements et modes de vie éco-responsables.
- Montrer qu’il n’est pas toujours onéreux ou compliqué de modifier nos usages et pratiques habituelles.
- Fédérer autour d’un nouvel art de vivre (fait-maison, permaculture…) et véhiculer de nouvelles normes sociales (réparation, recyclage, partage, don, inclusion…).
- Proposer des « futurs souhaitables », suffisamment engageants face aux limites planétaires et aux récits dystopiques qui génèrent désespoir et anxiété.
- Etc.
Dans son livre cité plus haut, Rob Hopkins insiste sur la capacité des récits à toucher leurs publics : « Les recherches en biologie et en neurosciences démontrent l’importance de raconter des histoires car elles nous permettent de mieux assimiler les informations et de les garder en mémoire plus longuement. En effet, lorsque nous écoutons ou racontons une histoire, notre cerveau assimile non seulement les informations, mais les vit aussi réellement. »
Pub, com’, brand content : le rôle crucial des marques et des entreprises
La nécessité de bâtir des récits « déclencheurs d’action » est posée. Mais qui pour infuser ces nouveaux imaginaires ? Qui pour devenir ces « éclaireurs sociétaux », ces « imaginacteurs » ? Réponse de Jules Colé : « les acteurs culturels, les marques et entreprises, les publicitaires et communicants, les médias mais aussi les créateurs de contenus, les collectivités, ainsi que les associations, les organismes de formation et d’éducation sont autant d’acteurs en mesure d’entretenir des imaginaires collectifs à travers des récits séduisants. »
Les communicants et publicitaires détiennent un pouvoir court terme conséquent en ce qu’ils touchent un public large, au quotidien et via l’ensemble des canaux existants. D’où l’importante responsabilité du secteur.
Les entreprises […] ne comprennent pas encore qu’elles ne sont pas seulement responsables des produits ou des services qu’elles proposent sur le marché, mais qu’elles sont également responsables du monde que ces produits ou services autorisent.
Michaël Dandrieux, sociologue de l’imaginaire, cofondateur et président d’Eranos
Le secteur se montre de plus en plus sensible à ces enjeux, les consommateurs et les influenceurs les y incitant vivement, tout comme la réglementation. Pour Pascal Girodias, directeur de Radio France Publicité, la prise de conscience collective est évidente : « même si certains sujets demeurent vivaces, comme notamment la promotion de l’aérien court-courrier ou low-cost […], le marché se structure, que ce soit par la loi avec la promotion des énergies fossiles […] interdite [depuis] juillet 2022, ou naturellement comme avec les publicités automobiles qui se concentrent désormais sur les véhicules électriques ou hybrides. »
Beaucoup de chemin reste à faire, avec une contradiction à dépasser : comment faire pour que ces récits qui « empuissantent » ne servent une nouvelle logique marchande ? Et comment faire pour qu’ils activent un changement réel et concret de nos modes de vie ?
Premières pistes pour bâtir un récit « encapacitant »
Concevoir des nouveaux récits ne s’improvise pas. Les pièges sont nombreux et les acteurs encore bien (ou inégalement) imprégnés des représentations consuméristes et non soutenables qui ont structuré nos modes de vie pendant des décennies.
Des outils existent déjà, et l’offre de formation pour accompagner les filières se structurent (panorama en fin d’article). Voici les bonnes pratiques qu’il nous a semblé incontournable de partager ici :
1. Susciter des émotions positives
Cela peut sembler évident, il n’empêche que de nombreux récits et discours actuels ont de quoi faire peur. Il suffit de penser au mot « sobriété », sur toutes les bouches en ce début d’hiver. Bien loin de nous faire rêver, la façon dont il est utilisé suscite davantage l’anxiété et évoque la contrainte, voire même la fin des haricots (pour pousser le bouchon). Comme l’explique très bien le guide Des Récits et des Actes, la recherche d’émotions positives (joie, surprise, intérêt), pouvant être déclenchées par un récit de changement de vie radical, par exemple, sera toujours plus mobilisatrice que la génération d’émotions négatives comme la peur, la colère ou la frustration.
2. Dépasser le réalisme pour retrouver l’inouï, l’invraisemblable
Il s’agit d’introduire « de l’air dans l’imaginaire », de la féérie, de la poésie pour permettre d’entrevoir une porte de sortie. De l’émerveillement pour contrebalancer les imaginaires limitants. Ainsi, comme l’écrit Jules Colé dans son mémoire, « pourrions-nous remplacer nos plaisirs consuméristes par cette réalisation qui émerge souvent lorsque nous éprouvons un sentiment de gratitude ou de reliance avec le monde vivant. »
3. Dépasser la réalité, mais intégrer de la vraisemblance
Intégrer des éléments réalistes dans votre récit sera nécessaire à deux titres :
- Permettre au public de se projeter : entrer en résonnance avec le lecteur, lui permettre de se projeter, de visualiser sa place et son rôle dans la société afin de pouvoir impulser un passage à l’action réel.
- Donner toute leur portée aux messages de fond.
Ce n’est qu’en facilitant l’identification que les récits seront réellement viables et efficients.
4. Rester dans un cadre spatio-temporel proche
Plus on s’éloigne dans le temps et dans l’espace, moins notre cerveau accorde de la valeur au récit. Là encore, il est question de nourrir la vraisemblance de l’histoire : des territoires et des futurs proches qui restent probables.
5. Mettre en scène des héros du quotidien
Des héros de tous les jours, des anti-héros, toujours dans un souci d’identification avec la cible.
6. Face à l’anxiété, apporter des solutions alternatives
Il s’agit ici de développer le message de fond et d’aboutir un parcours en proposant des ressources informatives et pédagogiques complémentaires : des solutions concrètes à la fin d’une campagne ou d’un plaidoyer, des questions/réponses pour approfondir une vidéo, etc.
7. Créer des espaces d’échanges
Une autre bonne pratique consiste à permettre l’échange direct avec le public ciblé, que ce soit à travers des groupes sur les réseaux sociaux, des cycles de conférences, d’ateliers, etc.
Sur la forme
Trois pistes à retenir, qui ont déjà fait leur preuve (cf. Des Paroles et des Actes) :
- importance de l’esthétisme pour stimuler l’imaginaire ;
- des formats courts et rythmés ;
- de l’humour, qui par sa nature transgressive fait mieux passer les messages.
Des leviers déjà bien investis et connus des communicants !
Communicants, à nous de jouer !
Au-delà des enjeux RSE des entreprises, marques et institutions que nous accompagnons au quotidien, nous sommes face à une véritable opportunité à saisir. Opportunité d’agir, de faire enfin sens :
« Et si les dérèglements climatiques, les crises écologiques, économiques et sociales étaient en réalité les meilleures opportunités pour aller vers un monde soutenable et harmonieux ? Des opportunités, entre autres, de nous reconnecter au monde vivant et de renouer avec notre essence même ? De retrouver l’amour de la vie et l’émerveillement dans les choses les plus simples ? Des occasions de voir émerger plus de coopération, de partage et le bien-être qu’elles procurent ? Ou même encore de réinventer notre éducation, d’améliorer la qualité de nos relations… ? […] Réveillons-nous. » Jules Colé (mémoire 2022)
Quelques ressources…
Sites
- Le site de la communication responsable de l’Ademe : une rubrique dédiée au nouveaux récits.
- La Fabrique des Récits : des œuvres et des artistes inspirants en lien avec des thématiques à enjeux comme l’inclusion, la diversité, l’écologie…
Formations
- L’atelier de La Fresque des nouveaux récits.
- Le Parcours Nouveaux Récits : forme et accompagne les auteurs-scénaristes.
Guides
- Des Récits et des Actes. La culture populaire au service de la transition écologique. : rôle clé de la culture populaire par sa capacité à toucher un large public, mise en avant de résultats clés pour comprendre comment susciter l’intérêt du grand public.
- Le guide des Représentations des modes de vie et transition écologique de l’Epe, novembre 2021: met en évidence les stéréotypes à éviter et livre quelques bonnes pratiques pour rendre désirable les modes de vie éco-responsables.
- Repères sur la mise en récit(s) de vos projets de transitions du CERDD, mars 2021.
Recherche
- Comment faire évoluer nos imaginaires ? Pour changer nos relations au monde vivant et aller vers un monde soutenable et harmonieux, mémoire de master, Jules Colé, 2022.
- Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique, César Dugast, Alexia Soyeux, Rapport Carbone 4, Juin 2019.
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